Le bourbier des passeurs d’argent
ArticlesChute des actions Westpac après la divulgation du plan de réponse, lancement au Royaume-Uni d’une campagne de sensibilisation contre les passeurs d’argent et négociation d’un accord entre Apple et l’OFAC.
Voici ce que nous avons retenu des points forts de la réglementation financière pour la semaine du 25 novembre 2019.
Un plan de réponse insuffisant
Pour revenir sur l’un des sujets abordés la semaine du 18 novembre, Westpac a pris des mesures suite aux retombées des déclarations d’AUSTRAC l’accusant d’être responsable de 23 millions d’infractions aux lois anti-blanchiment de capitaux, dont certaines auraient permis d’exploiter des enfants dans le Sud-Est asiatique. Dans un communiqué publié le 25 novembre, la deuxième plus grande banque d’Australie a annoncé son plan de réponse qui détaille à la fois des actions immédiates et les efforts à plus long terme pour améliorer les normes et protéger plus efficacement les personnes contre la criminalité financière.
En guise de mesures immédiates, deux produits de virements internationaux identifiés comme ayant facilité des opérations suspectes ont été clôturés, les primes des dirigeants ont été gelées et une collaboration s’est instaurée avec les autorités pour leur enquête en cours. L’établissement donnera également la « priorité à l’action » pour les transactions impliquant des régions à haut risque susceptibles selon lui d’indiquer une possible exploitation d’enfants, les signalant à AUSTRAC dans les 24 heures.
En guise de mesures à long terme, Westpac promet notamment d’investir 25 millions de dollars pour améliorer le partage de données et prévoit de recruter un auditeur externe pour contrôler son programme de lutte contre la criminalité financière. En outre, la banque cherchera des recommandations sur les mesures à prendre pour contribuer à lutter contre l’exploitation en ligne des enfants.
Mais ces mesures initiales sont perçues par beaucoup comme insuffisantes et trop tardives. Suite aux révélations de la semaine du 18 novembre, le cours de l’action de la banque a baissé pendant plusieurs jours consécutifs et a perdu 1,57 % supplémentaires lors de la première demi-heure de l’ouverture des marchés après la divulgation du plan de réponse.
Des hauts responsables des pouvoirs publics australiens ont par ailleurs condamné le non-respect par Westpac des lois LCB/FT, exigeant de la banque qu’elle prenne la responsabilité de ses actes. Le premier ministre a appelé le CEO Brian Hartzer à démissionner, un appel qui a été entendu (le 26 novembre) tandis que le ministre de l’Intérieur Peter Dutton a accusé la banque d’octroyer un « laissez-passer aux pédophiles », affirmant qu’elle devra « en payer le prix. »
Si la forme que prendra finalement ce prix reste incertaine, il est clair que le scandale est loin d’être terminé. À mesure de l’avancée de l’enquête, il sera intéressant de voir si les découvertes donneront lieu à des sanctions supplémentaires mais aussi à des aménagements importants de la loi.
Le bourbier des passeurs d’argent
Des étudiants britanniques sont les cibles d’une nouvelle escroquerie malsaine. Des bandes organisées dupent des jeunes pour qu’ils communiquent leurs coordonnées bancaires, généralement en leur faisant une offre, d’apparence authentique, d’argent de poche rapide ou d’emploi. Elles se servent ensuite de ces comptes pour blanchir leurs gains mal acquis en y déposant des fonds et en demandant aux personnes manipulées, qui deviennent ainsi des passeurs d’argent, de virer l’argent déposé sur un autre compte et d’en garder une petite partie en guise de rémunération.
Cette escroquerie a rapidement pris de l’ampleur avec un nombre de cas qui a augmenté de 73 % en deux ans, passant de 3360 en 2016 à plus de 5800 en 2018. Les adolescents de 14 à 18 ans sont particulièrement vulnérables, même si les fraudeurs ont déjà ciblé des enfants plus jeunes via un subterfuge similaire.
Les outils de supervision des transactions qui alertent les banques sur les activités suspectes génèrent tellement de faux positifs qu’il est peu probable qu’une attention immédiate soit portée aux comptes détenus par des jeunes en âge d’aller à l’école. Et d’ici à ce qu’ils fassent l’objet d’une enquête, les fraudeurs (et l’argent) se seront envolés depuis longtemps. Les adolescents ont beau être des complices involontaires, ils n’en subiront pas moins les conséquences graves de l’escroquerie, allant de difficultés à obtenir des prêts étudiants et à solliciter un crédit, à des condamnations à des peines de prison.
Pour tenter de lutter contre la forte augmentation de ce type d’arnaque, Cifas et UK Finance, une association professionnelle représentant plus de 250 sociétés, ont lancé la campagne baptisée Don’t Be Fooled destinée à sensibiliser à l’escroquerie, à ses signes avant-coureurs et à ses conséquences pour les victimes. Ils ont noué des partenariats avec des établissements d’enseignement (secondaire, supérieur et universitaire) et avec la police à travers le pays pour promouvoir cette campagne auprès des étudiants et des parents.
La campagne a été officiellement lancée en 2017, mais Andy Foster, qui lutte contre la fraude aux côtés de la police du Sud Yorkshire, déclare que les efforts de sensibilisation tombent plus particulièrement à point nommé à l’approche de la période des fêtes de fin d’année. En effet, les étudiants à court d’argent qui veulent faire des cadeaux à leurs amis et à leur famille sont des proies faciles. Et la prévention commence par ne pas baisser la garde et par comprendre comment opère le subterfuge.
Violations des sanctions dans la Silicon Valley
Apple, Inc. paiera un peu moins de 467 000 dollars pour des violations apparentes de la législation FNKSR (Foreign Narcotics Kingpin Sanctions Regulations), comme l’a annoncé le 25 novembre 2019 le bureau de contrôle des actifs étrangers (OFAC) rattaché au secrétariat au Trésor des États-Unis.
En 2008, l’entreprise technologique avait signé un contrat parfaitement légal avec SIS, un développeur d’applis basé en Slovénie. Mais lorsque SIS et son actionnaire majoritaire ont été sanctionnés par les États-Unis en 2015 pour suspicion de participation à un trafic international de stéroïdes, l’entreprise est passée sous le radar de l’outil de détection des sanctions d’Apple en raison d’une différence de casse et de ponctuation. L’adresse correspondait, mais l’OFAC a classé l’entreprise sous la dénomination « SIS d.o.o. » tandis que le système d’Apple utilisait l’orthographe « SIS DOO ».
De même, Savo Stjepanovic, l’actionnaire majoritaire du développeur d’applis, n’a pas été identifié par Apple car, à l’époque, l’entreprise ne filtrait pas les particuliers par rapport aux listes de sanctions.
SIS et S. Stjepanovic sont restés sur la liste des sanctions de l’OFAC jusqu’en mai 2017. Et pendant ces deux années, Apple a continué à héberger le développeur sur l’App Store, a autorisé SIS à céder la propriété de ses applis à deux autres entreprises et a réalisé au total 47 paiements liés aux applis du développeur. Apple a en partie découvert l’erreur en février 2017 suite à l’amélioration de ses procédures de conformité aux sanctions. Mais si les paiements directs à SIS et à l’une des deux entreprises ont ensuite été suspendus, il a fallu plusieurs mois encore pour détecter et arrêter les paiements à la troisième entreprise.
L’accord négocié par l’OFAC avec Apple est le plus récent d’une série d’actions d’envergure menées par l’agence, qui a sensiblement intensifié son action répressive. Que l’une des plus grandes entreprises technologiques au monde ait pu être prise en défaut pour des erreurs aussi basiques illustre combien il est facile de commettre une erreur grave en l’absence de la technologie ou des procédures adaptées. Les entreprises, grandes et petites, seraient bien avisées d’en prendre bonne note et d’investir dans des outils avancés qui renforcent leur propre programme de conformité.
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Publié initialement 02 janvier 2020, mis à jour 10 mai 2022
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