Comment les réglementations anti-blanchiment vont-elles évoluer en 2023 ?
Criminalité financière ArticlesIain Armstrong, spécialiste des affaires réglementaires chez ComplyAdvantage
Lorsqu’on leur a demandé quel domaine de la fonction de conformité serait à risque lors d’un audit, 48 % des répondants, la plus grande proportion donc, nous a précisé que ce serait leur connaissance des réglementations. Cet article de blog qui s’intéresse à l’évolution du paysage réglementaire anti-blanchiment analyse plusieurs tendances mondiales et sujets majeurs dans de grandes économies. Pour en savoir plus, n’hésitez pas à télécharger notre rapport sur les tendances réglementaires !
Le Groupe d’action financière (GAFI)
Singapour assure la Présidence du GAFI depuis le 1er juillet 2022 pour définir au niveau mondial les priorités en matière de normes LCB-FT pour les deux prochaines années, à savoir :
- Accentuer le recouvrement des avoirs – Parce que moins de 1 % des fonds illicites sont récupérés, le GAFI s’attachera à renforcer les cadres de collaboration et travaillera en particulier sur la cybercriminalité (fraudes, arnaques et ransomware) en s’appuyant sur les analyses de données et une collaboration renforcée via des partenariats public-privé. La toute première table ronde GAFI-INTERPOL (FIRE) s’est tenue à Singapour en septembre 2022.
- Contrer les flux financiers illicites associés à la cybercriminalité – Une nouvelle initiative cherchera à comprendre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme liés à la fraude en ligne, aux attaques par ransomware et par hameçonnage ainsi qu’aux arnaques et à documenter les bonnes pratiques.
- Améliorer l’efficacité des dispositifs mondiaux de LCB – Le GAFI organisera des sessions d’échanges thématiques et s’attachera à identifier de nouveaux risques de BC-FT associés aux prestataires de services d’actifs numériques (PSAN). Il prévoit de partager les bonnes pratiques, de rédiger des recommandations sur les bénéficiaires effectifs des personnes morales et de modifier d’ici février 2023 sa réglementation 25 sur les bénéficiaires effectifs des fiducies et des montages juridiques. Cela encouragera aussi l’adoption de l’analyse des données pour obtenir de meilleurs résultats en matière de LCB-FT et travaillera à l’élaboration d’un examen régulier des risques liés au financement du terrorisme concernant Al-Qaïda, l’État islamique et leurs affiliés. Enfin, cette présidence visera à générer une prise de conscience des risques BC-FT liés à la criminalité environnementale, au commerce international d’espèces sauvages et à la grande corruption.
- Renforcer les partenariats du GAFI avec des organismes régionaux de type GAFI (ORTG) –Le GAFI s’emploiera à développer des ressources et des compétences pour renforcer son réseau mondial et lutter ainsi plus efficacement contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme & le financement de la prolifération.
États-Unis
Sous l’administration Biden, les États-Unis continueront à se concentrer sur trois thèmes fondamentaux :
- Renforcer les lois et réglementations pour lutter contre les flux financiers illicites
- Moderniser, construire et améliorer les cadres réglementaires et d’application en particulier dans le secteur des cryptomonnaies
- Cibler les malfaiteurs qui cherchent à accéder au système financier américain pour blanchir les produits de leurs crimes
Les États-Unis ont publié leur stratégie nationale de lutte contre le financement illicite pour 2022 en communiquant une feuille de route pour « combler les failles exploitées par les criminels et les acteurs malveillants. » Cette stratégie vise à réagir aux menaces et aux vulnérabilités identifiées dans son évaluation nationale des risques (ENR) suite à la hausse des niveaux de fraude et de corruption et à la dématérialisation de la finance. Un accent particulier a été mis sur la réaction à l’agression russe en Ukraine et sur le réseau mondial des élites russes corrompues.
La stratégie a fixé les quatre recommandations prioritaires énoncées ci-dessous ainsi que 14 actions de soutien :
- Première priorité : améliorer la transparence et combler les lacunes juridiques et réglementaires
- Deuxième priorité : rendre le cadre réglementaire de la LCB-FT plus efficace et performant pour les établissements financiers
- Troisième priorité : renforcer l’efficacité opérationnelle de la lutte contre les flux financiers illicites
- Quatrième priorité : soutenir l’innovation technologique et exploiter la technologie pour atténuer les risques de mouvements de capitaux illicites
Après la signature par le Président Biden d’un décret visant à garantir le développement responsable des actifs numériques et le projet de loi Lummis-Gillibrand, d’importantes évolutions sont à prévoir dans le domaine de la réglementation des crypto-actifs. Étant donné la taille du marché états-unien et les avantages évidents d’un alignement réglementaire, les établissements doivent s’attendre à ce que d’autres pays s’inspirent des propositions des États-Unis pour leurs propres marchés.
Union européenne
Des progrès continueront d’être enregistrés avec la révision de la réglementation de l’UE en matière de LCB-FT à mesure que les directives LCB avanceront dans le processus de gouvernance de l’UE. La proposition a été lancée en 2021 et se compose de quatre textes de loi différents, à savoir :
- Une réglementation pour créer une Autorité supranationale de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (AMLA)
- Une nouvelle directive LCB-FT, la « nouvelle » 6AMLD pour que les pays mettent en œuvre des cadres LCB-FT nationaux
- Un règlement établissant un recueil de règles unique en matière de LCB-FT, avec plus de clarté et de recommandations pour les entreprises tenues de respecter les obligations LCB-FT (« entités obligées »)
- Une mise à jour du règlement sur les transferts de fonds pour couvrir les modifications apportées aux obligations de traitement des transactions et faire entrer dans le champ d’application les PSAN et les fournisseurs de services de crypto-actifs (CASP)
La Commission européenne continuera de désigner les pays qui ne se sont pas encore pleinement conformés à la transposition de la 6AMLD qui définit les infractions principales en matière de blanchiment d’argent. En février 2022, elle a lancé des procédures d’infraction contre la Lettonie, la Lituanie, Malte et le Portugal pour ne pas avoir suffisamment expliqué comment ils ont défini les infractions sous-jacentes dans leur législation nationale. Entrée en vigueur le 03 décembre 2020, la 6AMLD devait être mis en œuvre par les entités réglementées avant le 03 juin 2021.
L’Union européenne prendra d’autres initiatives parmi lesquelles de nouvelles mesures visant la criminalité environnementale ainsi qu’une stratégie pour gérer le dérisquage et le nombre croissant d’affaires transfrontalières de blanchiment d’argent.
*Remarque sur les définitions : La directive 2018/1673 de l’UE de novembre 2018 a créé un nouveau fondement pour le droit pénal de l’UE concernant le blanchiment d’argent. Les États membres de l’UE étaient tenus de la transposer en droit national avant le 03 décembre 2020, le secteur privé devant opérer les changements nécessaires le 03 juin 2022 au plus tard. Cette directive, largement connue dans le secteur des services financiers comme la 6ème Directive anti-blanchiment (6AMLD), est désormais considérée comme une réglementation autonome par la Commission européenne. C’est pourquoi nous appelons le projet de directive auquel il est fait référence ici la « nouvelle directive 6AMLD ».
Chine
La Chine a publié un« Plan d’action triennal de lutte contre les infractions et les crimes de blanchiment d’argent (2022-2024) » pour réprimer le blanchiment d’argent. Couvrant la période de janvier 2022 à décembre 2024, ce plan vise à « préserver véritablement la sécurité nationale, la stabilité sociale, le développement économique et les intérêts du peuple ». Il a été lancé par 11 autorités chinoises qui les oblige à :
- Renforcer la publicité et la formation
- Modifier la Loi sur la lutte contre le blanchiment et les interprétations juridiques liées au traitement des affaires pénales de blanchiment d’argent
- Intensifier la recherche fondée sur le renseignement aux fins des poursuites et des affaires
- Améliorer l’analyse des typologies de blanchiment d’argent et les enquêtes anti-blanchiment
- Augmenter la capacité des entités obligées à prévenir et à contrôler les risques de blanchiment
Par ailleurs, la Chine a modifié ses règles pour renforcer la capacité des établissements à lutter contre le blanchiment d’argent. Les règles définissent les obligations de vigilance à l’égard de la clientèle (CDD), notamment la manière dont les établissements réglementés doivent stocker les données relatives à l’identité et aux transactions. Ces exigences ont également été étendues aux sociétés de paiement non bancaires et aux sociétés de gestion de patrimoine.
En novembre 2022, le GAFI a publié une mise à jour sur les progrès réalisés par la Chine pour remédier aux manquements signalés dans son rapport MER de 2019. La Chine n’est toujours pas en conformité avec les obligations relatives aux entreprises et professions non financières désignées (EPNFD), notamment en termes de supervision efficace et d’obligation de vigilance. Elle est également déficiente en ce qui concerne les mesures prises, notamment au niveau de la communication de déclarations d’activités suspectes, de la transparence et de la propriété effective des montages juridiques.
Australie
La réglementation sur les EPNFD et l’exécution restent un point d’inflexion critique en Australie. À la demande du Sénat, le Comité de référence des affaires juridiques et constitutionnelles a publié en mars 2022 son rapport sur l’efficacité du dispositif de LCB-FT en Australie. Ce rapport pointe l’incapacité à faire entrer dans le champ d’application de la réglementation LCB les EPNFD que sont les avocats, les agents immobiliers, les casinos et autres organisateurs de jeux de hasard ainsi que les auditeurs et les courtiers en pierres et métaux précieux. Des failles dans le dispositif LCB-FT australien sont accusées d’avoir permis le blanchiment de plusieurs milliards de dollars par le biais du secteur immobilier australien et d’être à l’origine de «manquements graves et systémiques » de la part des exploitants de casinos. En 2021, sur les 187 millions de dollars australiens d’actifs saisis, 116 millions de dollars australiens correspondaient à des actifs immobiliers. Le Centre australien de déclaration et d’analyse des transactions (AUSTRAC) estime qu’en 2020 l’immobilier australien a servi de canal à des intérêts chinois pour blanchir 1 milliard de dollars australiens.
Le rapport du Sénat fait le point sur la réglementation relative aux gardiens et sur les défis actuels et futurs en matière de LCB tout en formulant diverses recommandations pour améliorer la situation. Il est notamment question de réglementer les EPNFD et de renforcer le cadre LCB-FT en :
- Simplifiant les règles de LCB-FT
- Encourageant l’utilisation des technologies pour respecter les obligations de KYC
- Appliquant une approche de la réglementation fondée sur le risque
- Alourdissant les sanctions pour BC-FT
- Donnant davantage de moyens à l’AUSTRAC
Le rapport a par ailleurs établi que les retards enregistrés dans la mise en œuvre des réformes de la Tranche 2 continuent à exposer l’Australie à des préjudices économiques et compromettent sa crédibilité puisqu’elle est l’un des trois seuls pays du GAFI à ne pas avoir intégré les EPNFD dans le champ d’application de la législation LCB-FT. Il a en outre été recommandé de mettre en place un registre des bénéficiaires effectifs.
Pour en savoir plus, téléchargez dès aujourd’hui notre rapport sur les tendances réglementaires dans le monde
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Publié initialement 14 mars 2023, mis à jour 19 décembre 2023
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