Redéfinition du blanchiment d’argent en Allemagne : les implications de l’Article 261
Réglementations ArticlesL’infraction pénale de blanchiment d’argent (Article 261 du Code pénal allemand) a été remaniée en profondeur par la « Loi de renforcement du droit pénal pour lutter contre le blanchiment d’argent » (Loi sur le blanchiment d’argent). Ce nouveau règlement entré en vigueur le 18 mars 2021 a aidé l’Allemagne à mettre en œuvre la 6ème Directive anti-blanchiment de l’UE (6AMLD). À y regarder de plus près néanmoins, ce texte va au-delà d’une simple mise en œuvre de la Directive puisqu’il a considérablement renforcé la réglementation LCB à plus d’un titre.
Les conséquences légales du renforcement de l’Article 261 ne se limitent pas au seul droit pénal. En fait, il a des retombées directes pour l’application de la Loi sur le blanchiment d’argent. La définition du blanchiment d’argent dans l’Article 1 de la Loi sur le blanchiment d’argent est rattachée à l’Article 261 du Code pénal, de sorte que toute extension de l’infraction pénale a également des conséquences sur le mode d’application de la Loi sur le blanchiment d’argent.
Éloignement de la « liste des infractions sous-jacentes »
Dans la version précédente de l’Article 261, le blanchiment d’argent devait être caractérisé par rapport à la « liste des infractions sous-jacentes », laquelle énumérait essentiellement des crimes et des délits graves commis en bande organisée ou dans un contexte commercial.
La nouvelle version de la Loi abolit cette caractérisation par rapport à une infraction pénale prédéfinie. La version de l’Article 261 désormais en vigueur stipule que le simple fait que le blanchiment d’argent découle d’un « acte illicite » suffit pour que l’infraction soit constituée. Autrement dit, les sommes provenant d’une infraction mineure telle que le vol à l’étalage peuvent désormais être considérées elles aussi comme l’objet d’une infraction pénale de blanchiment d’argent.
Cette évolution législative a changé le mode de conceptualisation du blanchiment d’argent en Allemagne, en l’éloignant de l’intention initiale d’identifier les « produits d’infractions pénales graves ». Les directives de l’UE n’imposent pas aux États membres d’élargir ainsi leur définition du blanchiment d’argent, ce qui amène à penser que ce choix a été fait par calcul politique national.
Les procureurs prennent le dessus
Jusqu’alors, l’auteur des faits ne pouvait être condamné pour blanchiment d’argent que si un lien était prouvé par rapport à une infraction pénale spécifique. Aujourd’hui, le seuil de la preuve a été sensiblement abaissé et une condamnation pour blanchiment d’argent reste possible même si l’auteur de l’infraction sous-jacente, le lieu où elle a été commise ou la façon dont elle a été commise ne peuvent être établis.
Le flou délibéré introduit par la législation s’étend également au domaine de l’intention. Au titre de la nouvelle version de l’Article 261, il n’est plus nécessaire que l’auteur des faits ait eu une idée concrète de ce qu’était l’infraction sous-jacente qui a précédé pour que l’acte de blanchiment d’argent soit considéré comme intentionnel. Le simple fait que l’auteur de l’infraction sache que les capitaux proviennent d’un acte illégal quelconque est un motif suffisant pour l’inculper de blanchiment d’argent.
Une condamnation pour blanchiment est également possible si le tribunal est convaincu que, même s’il ignorait que les capitaux provenaient d’un acte illégal, l’auteur des faits a gravement manqué à son obligation de vigilance pour vérifier l’origine des fonds. Cette accusation dite de « blanchiment frivole d’argent » est passible d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement de deux ans maximum.
Enfin, si l’auteur des faits est une « personne assujettie » au titre de l’Article 2 de la Loi sur le blanchiment d’argent, la loi prévoit une peine de prison d’au moins trois mois. Les personnes assujetties sont notamment les établissements de crédit, les compagnies d’assurance et d’autres entreprises appartenant à des secteurs concernés par le blanchiment d’argent.
Infractions sous-jacentes commises à l’étranger
La loi allemande disposait déjà qu’il importait peu que l’infraction sous-jacente soit commise en Allemagne ou à l’étranger. Toutefois, dans le cas des infractions commises à l’étranger, il fallait s’assurer que l’infraction sous-jacente était punissable dans le pays concerné. Pour mettre l’Allemagne en conformité avec la Directive 6AMLD, la législation dispose désormais que la responsabilité pénale dans le pays où l’infraction est commise n’a globalement plus aucune importance. Elle utilise la technique du renvoi en attirant l’attention sur certaines directives et décisions-cadres de l’Union européenne. Cette évolution de la loi pourrait avoir une portée pratique surtout dans le cas de corruption dans le domaine du droit privé, qui – à la différence de la corruption de fonctionnaires publics – n’est pas encore punissable dans de nombreux pays.
Une nouvelle approche dure pour l’Allemagne
La dernière version en vigueur de l’Article 261 du Code pénal allemand a largement renforcé l’infraction de blanchiment d’argent. L’imposition de sanctions plus lourdes tout en réduisant la charge de la preuve exigée pour une condamnation codifie cette nouvelle approche dure.
Par ailleurs, sous l’effet de la disparition de la liste des infractions sous-jacentes et de l’inclusion des infractions mineures parmi les infractions sous-jacentes possibles, le nombre de rapports d’activités suspectes déposés au titre de la Loi sur le blanchiment d’argent est appelé à augmenter sensiblement.
En définitive, il est clair que pour les entreprises mentionnées à l’Article 2 de la Loi, l’effort de conformité ainsi que le devoir de prudence envers les employés qui travaillent dans des domaines concernés par le blanchiment d’argent, augmenteront considérablement.
Publié initialement 13 septembre 2022, mis à jour 20 décembre 2023
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