Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, l’Union européenne (UE) s’est appliquée à imposer des sanctions fortes au régime de Poutine. Si l’objectif était de punir la Russie et de la contraindre de cesser les hostilités, des mesures ont été prises en parallèle pour réformer le cadre de l’UE afin de lutter contre la criminalité financière via le plan de réforme de l’UE dédié à la lutte contre le blanchiment d’argent (LCB).
Qu’est-ce que l’autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux (ALBC) ?
L’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux (ALBC ou AMLA en anglais) est un organe de surveillance mis en place par la Commission européenne pour superviser et appliquer les lois visant à prévenir le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (BC-FT) au sein des États membres.
Entre 2015 et 2020, plusieurs établissements financiers européens d’envergure ont été impliqués dans des scandales liés au blanchiment d’argent. Face à ces fraudes, l’UE a donc été mise sous pression pour remédier aux lacunes de son cadre de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB-FT). La réponse de la Commission européenne basée à Bruxelles a été de proposer un plan d’action en mai 2020 ainsi que des propositions de réforme concrètes le 20 juillet 2021.
L’élément clé du train de mesures adopté est le règlement établissant l’« Autorité pour la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et les règlements modificatifs » (ALBCR ou AMLAR en anglais). La dernière révision du projet a été approuvée en décembre 2023. Ce règlement créera une nouvelle autorité supranationale de supervision de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme baptisée Autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux (ALBC ou AMLA en anglais).
L’UE souhaite que l’ALBC soit la pièce maîtresse d’un système intégré de supervision de la LCB-FT au sein de l’UE. Son rôle sera de faciliter une coopération efficace entre toutes les autorités compétentes et de contribuer à la mise en œuvre de règles harmonisées. Il s’agira d’une agence décentralisée dotée d’un conseil d’administration composé de deux entités, l’une pour les responsables des cellules de renseignement financier (CRF) nationales et l’autre pour les régulateurs. Elle sera en outre pilotée par un conseil d’administration composé de cinq membres indépendants et d’un président ainsi que d’un directeur exécutif chargé de la gestion de l’agence. Suite à une série d’auditions publiques organisées conjointement par le Conseil et le Parlement européens début 2024, c’est la ville de Francfort qui a été retenue pour accueillir la nouvelle agence.
Nouveau guide : Le nouveau cadre de la LCB-FT de l'Union européenne
Explorez chaque aspect du paquet de réforme de la LCB-FT de l'UE en détail. Découvrez les actions que les établissements doivent entreprendre pour se préparer aux nouvelles exigences et obligations de LCB y compris en termes de technologie, de formation, de gouvernance et de surveillance.
Téléchargez votre exemplaire
Quels seront les pouvoirs de l’ALBC ?
Le règlement instituant l’ALBC devrait s’appliquer à partir de juillet 2025, l’agence devant être établie entre-temps. Elle devrait assumer des activités de supervision directe d’ici 2028. Cette autorité aura différents pouvoirs qui concerneront notamment :
- La surveillance directe des entités obligées « les plus à risque » qui opèrent au-delà des frontières et qui sont appelées « entités sélectionnées »
- La supervision indirecte des autres entités obligées par le biais d’une surveillance des autorités de supervision ou des organismes autorégulés
- La mise en place d’approches de la supervision communes et plus puissantes
- La gestion d’une base de données de surveillance de la LCB-FT contenant des informations actualisées à destination des autorités de supervision
- La surveillance de la plateforme FIU.net, un mécanisme à l’échelle de l’UE visant à améliorer l’échange d’informations et qui permet une analyse conjointe et une coopération entre les CRF.
- La légitimité à infliger des amendes aux contrevenants avec des sanctions pouvant atteindre 10 % du chiffre d’affaires annuel ou 10 millions d’euros, le montant le plus élevé étant retenu.
Quels sont les objectifs de l’Autorité Européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux ?
Les principaux objectifs de l’ALBC sont les suivants :
- Empêcher que le système financier de l’UE ne soit utilisé pour blanchir des capitaux et financer le terrorisme.
L’ALBC exercera une supervision directe des entités obligées « les plus à risque » qui opèrent à l’international ainsi qu’une surveillance des entités obligées locales dans les « situations d’urgence ». Si une action urgente s’impose dans le cadre d’activités de blanchiment, l’ALBC lancera alors des inspections immédiates et ordonnera des mesures administratives à l’encontre des établissements en faute et il sera notamment possible de leur infliger des sanctions.
- Identifier les risques et les menaces de blanchiment et de financement du terrorisme sur l’ensemble du marché intérieur ou qui ciblent ce dernier.
L’accent sera mis sur les grands prêteurs et les établissements financiers non bancaires qui opèrent dans plusieurs États membres de l’UE et qui sont considérés comme « à haut risque » ou qui exercent des activités « suffisamment risqués ». Une liste des établissements qui feront l’objet d’une supervision directe sera publiée tous les trois ans, la première série d’« entités obligées sélectionnées » devant être désignée le 1er juillet 2025.
- Assurer une supervision de la LCB-FT de grande qualité.
L’objectif de l’ALBC sera notamment de renforcer les approches communes en matière de surveillance et de gérer une base de données de supervision de la LCB-FT fournissant des informations actualisées aux autorités de supervision. Source centralisée de renseignements, cette base de données améliorera la capacité des autorités à suivre les menaces émergentes et à y réagir avec efficacité.
- Faciliter la « convergence de la supervision » dans l’ensemble de l’UE.
En normalisant les pratiques de supervision et en promouvant une application uniforme de la réglementation, l’ALBC veillera à ce que tous les États membres adhèrent aux mêmes normes exigeantes. Cela permettra d’éviter un arbitrage réglementaire tout en garantissant une approche cohérente de la lutte contre la criminalité financière.
- Harmoniser les pratiques d’identification des flux illicites transfrontaliers par les cellules de renseignement financier (CRF).
L’ALBC travaillera en étroite collaboration avec les CRF nationales afin d’harmoniser les méthodologies et les normes de déclaration. La détection et le suivi des flux financiers illicites s’en trouveront renforcés, ce qui rendra plus difficile l’exploitation des incohérences entre les différentes juridictions par les blanchisseurs d’argent et les terroristes.
- Favoriser et coordonner l’échange d’informations entre les CRF. En fournissant une plateforme centralisée pour l’échange d’informations, l’ALBC renforcera la collaboration entre les cellules nationales de renseignement financier. Cela permettra de réagir plus vite et plus efficacement aux menaces transfrontalières en s’appuyant sur des renseignements collectifs pour démanteler les réseaux criminels.
L’impact de l’ALBC sur les établissements
Pour la première fois, certains types d’établissements de crédit et financiers, parmi lesquels les fournisseurs de services de crypto-monnaie, seront directement supervisés dans tous les États membres s’ils sont considérés comme étant à risque. La nouvelle méthodologie de supervision de la LCB-FT comportera des marqueurs qualitatifs et quantitatifs ainsi que des indicateurs de risque inhérent, notamment concernant les clients, les produits et services, les canaux de distribution et les régions.
L’objectif est de créer une équipe de supervision conjointe entre l’ALBC et les CRF nationales pour faire appliquer un règlement unique fondé sur des normes techniques réglementaires. Il s’agira notamment de mener des enquêtes LCB conjointes et de partager l’expertise technique dans des domaines tels que l’intelligence artificielle, les solutions informatiques et les bonnes pratiques pour identifier les transactions suspectes.
Les établissements devront prendre en compte le règles plus détaillées concernant l’obligation de vigilance à l’égard de la clientèle (CDD), la propriété effective ainsi que les pouvoirs et obligations des superviseurs et des CRF. En outre, les fichiers nationaux des comptes bancaires seront interconnectés pour accélérer l’accès des CRF aux informations sur les comptes bancaires et les coffres-forts. Les autorités auront également accès à ce système pour faciliter les enquêtes financières et le recouvrement des avoirs criminels dans les affaires transfrontalières.
De nouvelles exigences sont également formulées pour les crypto-actifs et les fournisseurs de services de crypto-monnaies afin de collecter et de rendre accessibles les données sur les donneurs d’ordre et les bénéficiaires des transferts de ces actifs.
En outre, l’ALBC sera chargée de préparer et de coordonner les évaluations des menaces et les analyses stratégiques, de développer des méthodes et des procédures pour sélectionner les cas pertinents en vue d’une analyse conjointe, de renforcer les moyens des CRF et de surveiller et de soutenir les gels des avoirs.
Calendrier de l’ALBC : 2017-2027
5 conseils pour se préparer à l’ALBC et au nouveau cadre réglementaire de l’UE
Même si la plupart des mesures décrites ne seront pas forcément appliquées avant le milieu des années 2020, les établissements doivent mettre au point une stratégie proactive pour éviter tout risque d’amende et également suivre de près la réorganisation progressive du cadre européen de la LCB-FT. Ces mêmes établissements doivent réfléchir à la réponse qu’ils apporteront à ces changements dans différents domaines clés, et notamment concernant :
- La technologie et l’automatisation : les établissements doivent procéder à une évaluation approfondie des risques concernant la façon de gérer des contrôles et des processus supplémentaires. Cela peut concerner entre autres l’intégration de nouvelles solutions pour automatiser certaines mesures et/ou améliorer la structure et la consultation des données.
- La gouvernance et la supervision : faciliter l’accès à des informations claires et concises que les autorités de régulation nationales ou européennes pourraient demander.
- La gestion des relations avec la Direction : l’équipe Conformité peut être amenée à s’expliquer sur les coûts, les effectifs et les fournisseurs supplémentaires. Grâce à une approche proactive, cette équipe aura le temps de réaliser des analyses coûts-bénéfices approfondies et de présenter des recommandations.
- La formation et le recrutement : de la formation, du soutien et du personnel supplémentaires peuvent être nécessaires. Être proactif réduira le risque de pénurie de talents.
- Les services : les établissements doivent faire correspondre ces projets de réglementations avec leurs feuilles de route produits afin d’anticiper les implications réglementaires en lien avec un nouveau service proposé, en particulier concernant les crypto-monnaies et les actifs virtuels (AV).
Affrontez les risques BC-FT avec des solutions à la pointe du marché
Alors que l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux fixe de nouvelles normes pour lutter contre la criminalité financière, les établissements ont tout intérêt à adopter des solutions de pointe pour rester en conformité et fiables. Ces solutions devront notamment assurer :
- Le filtrage des clients : des solutions évoluées de filtrage des clients permettent aux établissements de vérifier l’identité de leurs clients en s’appuyant sur des listes de surveillance et des bases de données à la fois volumineuses et d’envergure mondiale. Ces outils garantissent la conformité à la réglementation sur la connaissance du client (KYC) et empêchent l’entrée en relation avec des individus liés à des activités criminelles, conformément aux exigences de l’ALBC.
- La surveillance des transactions : les systèmes sophistiqués de surveillance des transactions assurent une supervision en temps réel des activités financières. En analysant les caractéristiques des transactions et en signalant les anomalies, ces outils permettent aux établissements de détecter et de signaler rapidement toute transaction suspecte.
- Le filtrage des paiements : les solutions de filtrage des paiements examinent minutieusement les paiements par rapport aux listes de sanctions internationales et autres bases de données réglementaires. Recourir à ce type de solutions permet de s’assurer que les transactions financières sont bien conformes aux réglementations internationales sur les sanctions, d’empêcher le transfert de fonds vers des entités interdites et de soutenir la mission de l’ALBC qui consiste à prévenir la criminalité financière.
- Le filtrage de la couverture médiatique négative : les outils automatisés de filtrage des médias défavorables analysent les sources et les bases de données d’informations à l’échelle mondiale pour y rechercher toute couverture médiatique négative en lien avec des clients existants et potentiels. En identifiant les personnes et les entités impliquées dans des activités criminelles, ces outils améliorent les processus d’obligation de vigilance et atténuent les risques réputationnels, ce qui est essentiel pour répondre aux normes de supervision rigoureuses de l’ALBC.
En adoptant ces solutions LCB-FT à la pointe du marché, les établissements financiers seront en mesure de répondre aux exigences réglementaires et de renforcer leurs défenses contre la criminalité financière. S’appuyer sur des technologies innovantes et sur une stratégie globale de gestion des risques est indispensable pour préserver l’intégrité du système financier et garantir un environnement économique sain pour toutes les parties prenantes, le tout sous l’égide de l’ALBC.
Nouveau guide : Le nouveau cadre de la LCB-FT de l'Union européenne
Explorez chaque aspect du paquet de réforme de la LCB-FT de l'UE en détail. Découvrez les actions que les établissements doivent entreprendre pour se préparer aux nouvelles exigences et obligations de LCB y compris en termes de technologie, de formation, de gouvernance et de surveillance.
Téléchargez votre exemplaire
Publié initialement
21 juin 2024, mis à jour 24 juin 2024